Le Village

Le nom de cette commune, située dans le sud du département, entre Sainte-Maure-de-Touraine et Loches, apparaît pour la première fois au 9ème siècle, sous la forme Vicaria Veducensis, venant du gaulois Vidulium, signifiant « village du bois ». Notons que le toponyme Le Village-des-Bois existe encore au nord-ouest du bourg.


 





L’église Saint-Pierre-ès-liens 


Selon le Site Tourainissime elle fut construite au 12ème siècle par le chevalier Barthélémy Marques dont les armes : un aigle héraldique, figurent sur l’un des modillons de la corniche du mur absidial mais selon le Dictionnaire de Carré de Busserolles, elle fut édifiée par Étienne de Rennefort, puis donnée vers 1208 à l’abbaye Saint-Sauveur de Villeloin-Coulangé par son fils Philippe de Rennefort. 


 

Cette église remplaça une église antérieure comme le montrent d'importantes parties des murs gouttereaux (murs où sont installés les gouttières) de la nef de l'église actuelle.


              

La façade de l’église, restaurée à la fin du 19ème siècle, garde plusieurs éléments d’origine, notamment deux beaux chapiteaux romans.


On peut voir à l’intérieur deux tableaux inscrits à l’inventaire des monuments historiques : Le repentir de Saint Pierre et un Christ de pitié.



Le Château du Verger 


Le premier seigneur connu est Guillaume de Beauregard, qui épousa vers 1450 Catherine de la Jaille, fille d’Hector de la Jaille (mort en 1480), seigneur de Profond-Fossé (commune de Trogues), lui-même fils de Pierre III de la Jaille (né vers 1375), seigneur de Draché et de la Mothe-Yvons (commune de Marcilly).


À la fin du 16ème siècle, par l’intermédiaire de Renée de Beauregard, la seigneurie passa à son époux François, dit de Boistenant, fils naturel d’Hercule de Rohan-Guémené, duc de Montbazon, légitimé et anobli en 1634.


La veuve de Pierre Jacques François de Boistenant ( né en 1713), un de ses descendants, vendit le fief, vers 1760 au fermier général François Balthazar Dangé (1696/1777), seigneur de Manthelan et de Grillemont (commune de La Chapelle-Blanche-Saint-Martin), qui le légua ensuite à son neveu René François Constance Dangé d’Orsay (1733/1795).


Voici ce qu’en dit André Montoux dans le Bulletin de la Société Archéologique de Touraine (41, 1987) : « Ce château, édifié en 1489, présente une tour circulaire a demi arasée qui est l’ancien donjon, vestige du château primitif datant du 13ème siècle. Il possède une tourelle d’escalier à vis octogonale. (…) La partie occidentale de cet ensemble est élevée sur un sous-sol qui était presque entièrement comblé. Son déblaiement est aujourd'hui achevé et il apparaît composé d'une longue galerie d'environ quinze mètres mais n'ayant jamais plus de deux mètres de large. Elle est taillée dans le rocher dont le plafond est soutenu par une demi-douzaine d'arcs en pierres de taille généralement en plein cintre mais parfois brisés. Deux caveaux de forme irrégulière s'ouvrent de chaque côté. »



Le Manoir de la Roche-de-Gennes (15ème siecle)


Le premier seigneur connu de cette châtellenie qui relevait du château de Loches, est, au 13ème siècle, Jean de Gennes, époux de Jeanne d’Azay et père d’une fille unique : Philippe de Gennes ; celle-ci épousa Pierre de Voyer (mort en 1300), gouverneur de Loches, à qui elle transmit la seigneurie, qui beaucoup plus tard appartint à leur descendant Jean III de Voyer, seigneur de Paulmy (1500/1571), époux de Jeanne Gueffault, dame d’Argenson (commune de Maillé), en faveur de qui la seigneurie fut érigée en vicomté en 1569. Par la suite, le domaine fut la propriété du garde des sceaux Marc René Voyer d’Argenson (1652/1721) puis de ses descendants.


 

Manoir de La Roche-de-Gennes (février 2021)

Le manoir actuel, au bord de la D 95, construit au 15ème siècle, est un haut bâtiment rectangulaire dont les pignons à forte pente sont couronnés d'un rondelis de pierre (bourrelet de pierre dépassant la toiture au sommet 

des murs pignons). Au centre de la façade nord se trouve une tour polygonale d'escalier, avec sa porte gothique. Les fenêtres à meneaux du premier étage ont été condamnées. Le mur du pignon est présente une porte murée et des corbeaux de soutien pour une galerie en charpente, disparu. A l'intérieur on remarque de belles cheminées.



Il y a cent ans à Vou...

Retournons-nous et essayons d’observer ce qu’était notre village il y a un siècle. Certes, il faut un fort pouvoir d’imagination pour faire revivre ce qui a disparu et donner chair à une liste nominative datant de 1921.
Cependant, le dénombrement de la susdite année offre au lecteur-rêveur tout un monde, non pas de fantômes, mais d’hommes et de femmes qui nous ont précédés et que l’on peut voir s’animer sur les chemins où poudroie une certaine forme de nostalgie. Non pas celle d’un âge d’or mais d’un temps où nos campagnes étaient encore habitées, dans le sens d’une présence à soi et
d’un enracinement.

Vou, en 1921, est peuplé de 448 habitants (le dernier recensement de 1911,3 ans avant le début de la Grande Guerre, dénombrait 495 habitants).

128 ménages composent cette population répartie dans 144 maisons.
Une population assez jeune puisqu’un peu plus d’un tiers a entre 1 et 19 ans et 24 % ont entre 20 et 39 ans.
73 vouzéens ont plus de 60 ans. La doyenne, Marie Julien, est née en 1836, sous Louis-Philippe. Elle vit dans le bourg. Quant à François Delhommais, né en 1841, il travaille encore comme journalier.
La moitié des habitants est née à Vou. 97 % sont nés en Indre-et-Loire et une large majorité vient des communes limitrophes. Une personne est née à Paris ; trois dans le Loir-et-Cher ; une vient du Nord, l’instituteur; une de Gironde ;
une autre de l’Indre ; deux proviennent de Vendée ; une des Deux-Sèvres et 4 sont originaires de Drocourt dans le Pas-de-Calais, chassées par les combats et l’occupation allemande à partir de 1914. Parmi eux 3 frères, les Cousin.

Qui sont ces villageois ? Où vivent-ils ?
Dans le bourg d’abord. Un tiers des ménages y vit. Emmenez votre esprit en promenade autour de l’église, de la maison « Manceau », du lavoir. Regardez, écoutez.
Le presbytère est habité. Par le curé. Oui, le curé réside encore à Vou. Il se nomme Clément Berrangé, il a 64 ans et vit avec sa domestique, Sylvie Ambert.
Autre notable d’importance de cette IIIe République laïque, le hussard noir, adversaire peut-être du curé, dans tous les cas personnage incontournable du village. J’ai nommé l’instituteur. Ils sont deux à Vou, Jules et Hélène Denis. Ils ont 29 et 28 ans. Lui est originaire de Louvignies dans le Nord, elle de Tours. Ils habitent le bourg avec leur fille, Hélène.

Le bourg en 1921 bruit et s’active. Commerces, ateliers d’artisans distillent une musique laborieuse mais rassurante.
3 maréchaux-ferrants battent le fer. Les Robin, père et fils, et Victor Conjour ont leurs ateliers dans le bourg. Les  chevaux sont encore nombreux dans les campagnes françaises (peut-être 3 millions dont 85 % de chevaux de trait). Imaginez-les revêtus de leur tablier de cuir, munis de leur boîte à outils avec clous, marteaux, fers, râpes... Un sabotier, Eugène Roy, chausse ces paysans que sont en majorité les Vouzéens. Hache, cuiller et gouge en mains, il taille et creuse. Un stère de bois est nécessaire pour fabriquer une douzaine de paires. Le cordonnier, André Gélugne, un des fils de Marie, la cabaretière, complète cet artisanat. Lui, fabrique souliers, bottes ou brodequins en peau de vache ou de cochon. 3 maçons, Louis Brault, Arthur Gélugne -frère d’André- et Émile Gélugne et 3 charpentiers, Emile Manceau, Roger Espagnet et Joseph Cathelin ont leur entreprise dans le bourg.
Edouard Mercier, laisse flotter les effluves de son fournil et parfume le centre-bourg. Les femmes travaillent aussi. Elles sont couturières comme Ernestine Espagnet -la femme du charpentier - ou Désirée Caillé, à leur compte. Lingères comme Constance Delhommais. Elles sont négociantes comme Zélie Ondet ou Estelle Cathelin. Cabaretière, comme Marie Gélugne ou épicière comme Marie Brault. Tout un monde que l’épicerie qui propose une multitude de produits pas seulement alimentaires.
Commerces de proximité comme on les nommerait aujourd’hui et lieux de sociabilité avec le petit café du village.
Ce bourg est aussi habité par 5 agriculteurs et de nombreux domestiques qui travaillent et vivent au sein de ces ménages de paysans et d’artisans.
51 domestiques travaillent dans le village. 9 travaillent ou logent dans le bourg. 36 d’entre eux ont entre 14 et 25 ans et 12 entre 26 et 43 ans. La plus âgée est la bonne du curé qui a 69 ans. 55% sont des hommes ou des jeunes hommes et 45% des femmes ou des jeunes filles.
La domesticité est nombreuse encore à cette époque. Elle est difficile à différencier des travailleurs agricoles ou des journaliers. Entre valet de pied et valet de ferme, la nuance est ténue. La servante de ferme par exemple exécute toutes sortes de tâches dans les fermes.
Il y a 9 ouvriers agricoles à Vou dont deux sont des fils de maison et un qui possède une maison.

Sortons du bourg et allons flâner sur les chemins qui mènent aux fermes et autres moulins. Suivez-moi.


Arrêtons-nous d’abord au moulin du Verger. Deux ménages y vivent. En tout 9 habitants. Les familles Chrétien et Duguet.
Jean-Baptiste Chrétien est meunier. Il vit là avec sa femme Rachel et leur fille Suzanne, née en 1910. Deux domestiques sont à leur service. Eugène Baudichon qui est charretier et Prudent Nourrisson qui est farinier. Le charretier est celui qui s’occupe des chevaux et les atèle aux chariots bâchés que conduit le farinier afin d’aller vendre la farine.
Les Duguet, Marcel et Clémentine, vivent là également avec leurs deux enfants. Lui est journalier. Souvent au bas de l’échelle du monde rural, le journalier accomplit toutes sortes de besognes et est peu rémunéré.


Un petit bond et nous arrivons au moulin de la Roche. Un autre meunier y travaille, Frédéric Lamirault. Il vit là avec sa femme Marie et sa fille Yvonne. Il est aidé par deux domestiques dont un charretier. L’autre ménage est composé de Joseph et Joséphine Travouillon. Ils sont cultivateurs. Lui a 62 ans.


Revenons sur la route de Dolus et pénétrons dans la cour du château. 8 personnes vivent ici sous le patronage de Jules Bonneau, cultivateur, sa femme et ses deux filles. 4 ouvriers agricoles travaillent pour lui. Âgés de 28 à 15 ans pour le plus jeune.


S’arrêter dans chaque ferme prendrait trop de place dans le cadre de cet article. Néanmoins, allons à la rencontre de certains habitants dont les métiers peuvent nous éclairer sur les activités du village.


Daniel Marais est berger au Village du Bois. Il a 15 ans et travaille pour Eugène Boucher qui est cultivateur et doit posséder peut-être quelques ovins, certainement des vaches.


A la Petite Loge vit un charpentier, Joseph Benoist, et Louise Mongard, couturière à son compte.


Aux Gablotières, Honoré Conjour, cantonnier, vit avec sa femme Marie qui est cultivatrice. Ouvrier de la commune, il est chargé de l’entretien des voies de communication.


Aux Bellinières, un autre berger, Marcel Mamour, 13 ans, travaille pour René Mamour, cultivateur. Comme Daniel Marais, Marcel est jeune. Cet âge est représentatif des bergers et du travail précoce des enfants de l’époque.


Au Prieuré, où vivent 5 ménages, François Gentilhomme, le garde champêtre, vit seul, il a 76 ans. Figure importante et respectée du village, il a été choisi par le maire et a prêté serment devant le juge de paix du canton. Il assure le maintien de l’ordre.


J’oubliais les deux laitiers qui travaillent à la coopérative de Ligueil. Georges Bourreau qui vit dans le bourg et Joseph Jacques qui habite la Thomasserie et travaille à Ligueil également. La coopérative laitière de Ligueil existe depuis 1903. Célèbre pour son camembert qui lui valut un procès au début des années 20 en vertu de la loi sur les appellations d’origine.


Ce monde paysan est bien vivant et la main d’oeuvre nombreuse. 53 cultivateurs exploitants, enregistrés comme « patrons » dirigent une exploitation agricole, seuls ou en famille, dont 6 femmes. 27 journaliers, qui possèdent ou louent une maison, viennent compléter cette main d’oeuvre que nous avons déjà décrite plus haut avec les domestiques et les ouvriers agricoles. Souvent assez pauvres, les journaliers dépendent du travail qui leur est proposé et ils effectuent de nombreuses tâches dans les fermes.


Reprenons notre flânerie et marchons jusqu’à la Boursauderie. En 1921, 5 personnes vivent là. Jean-Baptiste Gadin qui est cultivateur/patron vit avec sa femme Marie, leur fille Marie qui a 16 ans et deux domestiques : Édouard Cousin (un des 3 frères réfugiés) qui a 14 ans et Georges Bidault qui en a 17. Direction le Mesnil. Ici, 6 personnes vivent et  ravaillent. La famille Lecompte. Jules et Constance , les parents. Marie, Marcel et Germaine âgés respectivement de 24, 21 et 20 ans, les enfants, et une petite fille, Denise Grelet, née en 1914. Tous travaillent à la ferme.
Un peu plus loin à la
Cotterie, nous rencontrons Antoine Guillet, cultivateur/patron qui vit avec sa femme, Joséphine, leur fille Antoinette et leur gendre Eugène Demay. Ces deux derniers ont un enfant, Lucien qui a 2 ans. Tous travaillent sur l’exploitation.
Au
Billot, 2 ménages cohabitent. Désiré Ondet et sa femme Estelle. Ils sont cultivateurs/patrons. En face vit Rosalie Delalande. Elle a 78 ans et vit seule.
A la
Rabaronnerie, nous rencontrons 4 ménages. Ursin et Céline Duguet, 62 et 53 ans. Ils sont journaliers. Ils vivent avec deux enfants, Eugène et Denise, 12 et 8 ans. A côté, les Patrolet, Pierre et Marie, cultivateurs/patrons. Ils vivent là avec deux enfants, Yvonne et Pierre, 14 et 1 ans, et la mère de Pierre, Anne Moreau. Charles Faillet vit seul, il est journalier et a 63 ans. Enfin, Adrienne Brisse, 30 ans, vit avec ses 4 filles, nées entre 1911 et 1920. Elle ne travaille pas.
Nous finirons notre promenade avec la
Roche de Genne car il serait trop long de rendre visite à chaque famille composant les écarts de notre village. Ici, 1 ménage composé de 8 personnes : les Bourreau. Jules, le père, né en 1866, est cultivateur/patron. Il travaille avec sa femme, Marie, née en 1868 et ses enfants, Gabrielle, 17 ans, Jules, 14 ans, Juliette, 15 ans et Estelle, 20 ans, mariée à Constant Mongard. Tous sont ouvriers agricoles. Un domestique, Joseph Margenceau, complète cette main d’œuvre agricole.


Fastidieuse liste mais elle permet, pour les plus anciens d’entre nous, de se remémorer certains noms. Je l’espère.
Aurez-vous , comme je l’ai fait, réussi à vous immiscer dans ce monde oublié ?



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